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Les relations entre grandes puissances sont-elles revenues à l’époque de la distinction ami ennemi ? par QU Xing*

Certes, il existe une variété de conflits entre les grandes puissances du monde, mais fort heureusement nous bénéficions tous du système international actuel, qui a permis le développement et le respect mutuels. A moins de vouloir adopter une attitude révolutionnaire pour s’opposer au système international existant, il n’est pas nécessaire d’adopter une attitude de distinction entre amis et ennemis pour traiter des questions diplomatiques.
Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de conflit entre les grandes puissances. Si l’on regarde un peu en arrière sur 2014, la crise des relations russo-ukrainiennes nous a amené au bord d’une nouvelle guerre froide, ou tout au moins à une certaine logique de guerre froide. Les restrictions aux échanges de personnels entre la Russie et les Etats-Unis, la détérioration des relations politiques entre eux, les sanctions économiques, la confrontation militaire, les mesures de confinement, tout cela sont des manifestations qui montrent que nous ne sommes effectivement pas loin de la guerre froide.
Les relations entre l’Europe et la Russie se sont davantage encore compliquées. Pour la Russie, la politique des Etats-Unis et de l’Europe à l’égard de l’Europe de l’Est n’est pas seulement un problème de possible restauration de l’influence de l’ancienne Union soviétique, mais aussi d’une éventuelle désintégration du territoire de la Russie. Pour l’Europe, la politique russe envers l’Europe de l’Est signifie que les résultats de la guerre froide doivent être respectés, et que les Européens pensent que si on revient en arrière sur les problèmes de frontières, alors l’ensemble de l’Europe ne connaitra pas la paix. Du fait du dirigisme des Etats-Unis envers leurs alliés européens, les relations américano-européennes sont devenues plus complexes ; l’alliance entre les États-Unis et l’Europe est certes la plus importante, mais il y a un tel manque de confiance entre ces alliés que les contradictions entre les deux parties n’ont fait qu’augmenter.
D’un autre côté, la coopération entre la Chine et la Russie, les Etats-Unis et l’Europe s’approfondit. La récente rencontre entre Xi Jinping et Barack Obama n’a pas seulement confirmé la naissance d’un nouveau type de relations entre grandes puissances, mais aussi que, dans certains domaines spécifiques, il y a matière à de nombreuses coopérations. La Chine et la Russie, quant à elles, par le biais d’une interaction fréquente, ont consolidé leur partenariat stratégique global. La tournée du président Xi en Europe, sa première visite au siège de l’UE, a été l’occasion pour la Chine de proposer à l’Europe un « quadruple partenariat », celui de la paix, de la croissance, de la réforme et de la civilisation, et de faire avancer les relations sino-européennes dans leur ensemble. Dans le même temps, les relations sino-japonaises semblent se réchauffer à nouveau : lors de la réunion de l’APEC à Beijing, le président Xi a eu une brève rencontre avec le Premier ministre japonais Shinzo Abe, et les deux parties sont parvenues à un principe de consensus en quatre points. Bien que ces quatre points de consensus aient encore besoin d’être précisés par les deux parties, ils confirment tout au moins que les deux pays sont désireux d’établir des mécanismes destinés à prendre des mesures pour prévenir les événements inattendus.
Dans la région Asie-Pacifique, il y a deux idées de sécurité. L’une est basée sur une alliance qui veut que « votre insécurité absolue est ma sécurité absolue », ce qui entraîne un cercle vicieux. La Chine préconise une autre idée, un nouveau concept de sécurité globale, commune, coopérative et durable. Le système d’alliance américain établi en Asie et en Europe est ciblé, ce qui plonge la Russie dans l’insécurité. Dans ce contexte, la coopération stratégique entre la Chine et la Russie s’explique. Mais les deux pays ont un concept très important, celui de la défense de la sécurité et de la souveraineté de l’indépendance de leur pays ; il y a un terrain d’entente sur le développement, mais ni alliance ni alignement. Ce que la Chine préconise, c’est l’inclusivité et le gagnant-gagnant, plutôt qu’une alliance et une confrontation. Parce que s’il y avait vraiment une alliance entre la Chine et la Russie face à l’Europe et aux Etats-Unis, alors le monde pourrait vraiment avoir peur d’une nouvelle guerre froide.
En bref, même si il y a beaucoup de contradictions entre les grandes puissances, aucun pays ne veut renverser l’ordre international actuel, de sorte que, pour la Chine, dans le traitement des affaires internationales et des questions de politique étrangère, il n’est pas question d’amis ni d’ennemis.
(Source : le Quotidien du Peuple en ligne – 9/12/2014)

* QU Xing, ancien président de l’Institut chinois des études internationales, est Ambassadeur de Chine en Belgique.