Antoine Rivière
Chercheur associé à l’IPSE
Une nouvelle étape dans le rapprochement entre Washington et la Havane
Le tête-à-tête historique entre Barack Obama et Raul Castro en marge du 7e sommet des Amériques, le 11 avril 2015 à Panama, marque une nouvelle étape dans la normalisation des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba. A la lumière des réformes politiques entreprises, des volontés d’ouverture économique et de coopération avec l’ensemble du continent, les autorités cubaines veulent clairement faire évoluer la situation sur tous les plans.
Le chantier qui se déroule actuellement à Mariel, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de la Havane, est l’un des projets déterminants de la stratégie cubaine.
Le port franc de Mariel : figure de proue du changement
Lorsqu’en 2009, Dilma Rousself et Raul Castro signent un partenariat pour la transformation du port de Mariel en un grand port de transbordement, beaucoup d’observateurs émettaient des réserves en raison de l’envergure du projet, des coûts, de l’embargo…
Sans un partenaire économique et diplomatique assez fort, Cuba n’aurait pas pu mettre en œuvre un tel projet. C’est le Brésil qui a injecté plus de 600 millions de dollars, environ 70 % du coût total estimé, obtenant en contrepartie l’attribution du chantier à son entreprise Odebrecht. A terme, le terminal de Mariel devrait avoir une capacité annuelle d’un million de conteneurs, ce qui est conséquent pour la région et pour le pays
Par ailleurs, l’Etat a créé une immense zone franche de plus de 460 km2, la Zone spéciale de Développement de Mariel (ZED). Avec les dimensions de la ZED, l’activité a le temps et l’espace pour se développer et s’étendre. Il est possible pour les entreprises d’investir, d’installer des entrepôts de stockage, de redistribution et pourquoi pas peut-être des centres de production. Malgré le manque d’investisseurs étrangers, plus de 40 pays, dont la Chine, la Russie, la France, le Brésil, le Mexique, l’Italie, le Vietnam, envisagent déjà de s’y implanter.
A quelques encablures de la Floride, au centre des Caraïbes, le pays cherche à tirer profit d’une position géographique stratégique idéale, au cœur des routes maritimes commerciales.
Le projet Mariel s’inscrit dans le contexte de l’élargissement du canal de Panama, et reposait sur les faits qu’aucun port caribéen, à l’époque, n’était encore en mesure de pouvoir accueillir les grands navires qui pourront dorénavant emprunter le canal élargi.
Le port est une interface avec l’extérieur, en tant que point d’entrée et de sortie des marchandises sur un territoire ; c’est un élément fondamental de notre système d’échanges. En se dotant d’un grand port franc et d’infrastructures adéquates pour accueillir ces grands navires, Cuba a d’abord de sérieuses raisons d’espérer pouvoir s’imposer comme un hub moyen derrière Kingston et Freeport mais surtout matérialise son souhait de sortir de l’isolement.
En déplaçant l’activité portuaire, les autorités cherchent à capitaliser sur le patrimoine touristique de la Havane
Déplacer l’activité portuaire hors de la baie de la capitale, c’est d’abord réduire les nuisances liées à celle-ci comme la pollution et la saturation du plan d’eau par les navires. C’est ensuite anticiper un flux de touristes habitués à des standards occidentaux. Il faut éviter l’engorgement du panorama par l’activité d’un port industriel polluant et décati. Le port de la Havane était saturé, muni d’infrastructures insatisfaisantes, vieillissantes. Il n’y avait pas d’espace disponible pour d’éventuelles expansions.
Avec raison, les autorités misent dorénavant sur les attraits touristiques de la Havane, et particulièrement sur la Vieille Ville, classée patrimoine mondial de l’UNESCO, le mythique Malecon… La ville entreprend aussi la rénovation de bâtiments publics mais aussi de certaines parties de la ville en bord de mer.
Tant que les travaux d’élargissement du canal de Panama ne sont pas terminés, les autorités cubaines, et les entreprises de travaux publics, disposent encore de temps pour que le port de Mariel soit pleinement opérationnel. Et c’est une chance car le chantier n’est toujours pas prêt d’être achevé.