A propos de Le mur de l’Ouest n’est pas tombé, Editions P G de Roux, mai 2015
Hervé JUVIN
Mao Tsé Toung est, non le seul, mais le plus fameux des chefs de guerre a en avoir fait l’un des principes déterminants de ses actions : il faut savoir qui est l’ennemi principal.
Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé est tout entier consacré à cette question. Il n’est pas évident d’y répondre, et sans doute faut-il se réjouir que nous n’ayons plus d’ennemi aux portes, prêt à nous attaquer pour imposer sa loi. Il n’est même plus évident de poser la question, et la seule mention d’un ennemi possible suffit à faire de vous un suspect, un va-t’en guerre, un homme du passé. C’est entendu, l’Europe vit en paix. C’est entendu, nous n’avons plus d’ennemi. C’est entendu aussi, seuls de regrettables incidents et des terroristes survivants font encore ici et là entendre un bruit d’armes, de canons et de batailles, que le fracas des medias recouvre bientôt et fait oublier.
La Russie en Ukraine ; des milliers de migrants que le crime organisé jette chaque semaine sur les côtes de l’Italie du sud, bientôt de la France et de l’Espagne ; des mosquées qui pointent dans le ciel européen, et des tentatives plus ou moins avérées d’instituer la charia sur le territoire de la République ; des terroristes qui menacent de frapper en Europe et en France au nom d’un Etat islamique qui s’enracine en Libye ; Il est facile de désigner des ennemis qui se reconnaissent aisément, et de leur attribuer les actions qui visent à détruire notre souveraineté. Il est facile d’attribuer à ce que l’apparence, l’émotion ou le fait divers désignent successivement comme tel, le rôle d’ennemi principal.
Je ne partage pas ce que la désignation du bouc-émissaire, le mécanisme de l’arbre qui cache la forêt ou les manipulations extérieures nous assignent comme ennemi. L’islam ne peut jouer ce rôle ; s’il n’y avait qu’un islam ! Au moment où la guerre civile entre chiites et sunnites fait rage, au moment où l’individualisme moderne et l’envie d’ouverture et de reconnaissance d’une jeunesse explosive confrontent l’islam à une crise interne sans précédent, la France serait avisée de mesurer trois choses : d’abord, qu’il est malhonnête d’affirmer qu’il y a place pour l’islam dans la République sans dire que, dans le même temps, cet islam séparera le domaine public français, laïc et chrétien, du domaine privé ; qu’il reconnaîtra la liberté de la femme ; qu’il acceptera enfin que l’identité française détermine l’appartenance des siens plus que leur foi religieuse. Ensuite, que son destin, d’une manière ou d’une autre, est lié à celui du sud de la Méditerranée, et que le rêve d’une France coupée du sud profond du Sahel et de l’Afrique est celui d’une petite France, une France que l’Europe aurait privée de son Empire, de sa langue, et du monde français. Enfin, que l’étonnant développement de l’Etat islamique ne s’explique que par l’intérêt que des puissances éminentes trouvent à la présence en Irak et en Syrie d’une force capable de détruire tout ce qui reste d’un Etat organisé, en Libye, de planter une épine dans le pied de l’Europe et de détruire ce qui reste de l’unité des nations européennes, cible avouée du général Wesley Clark, criminel de guerre américain et grand massacreur des Serbes orthodoxes ; la prise de Palmyre par des colonnes motorisées opérant totalement à découvert, en zone plate et ouverte, dans un espace où les Américains ont une exclusivité aérienne de fait, n’a pu se faire qu’avec leur indifférence, ou leur autorisation – en l’occurrence, la même chose. Ajoutons que l’ouverture d’un troisième Etat islamique, en Asie centrale cette fois, est à l’agenda de ceux pour qui la guerre en Eurasie est une bonne affaire.
Quant au lien établi entre l’islam et le terrorisme, qu’il soit permis de l’interroger au nom de l’histoire comme au nom du futur. Le terrorisme arabe, palestinien d’abord, a été la réponse à un terrorisme d’Etat ; et la France était grande quand elle a fait sortir Yasser Arafat du piège de Beyrouth. Nous ne parlons plus de lui. Al Qaeda, Isis, Al Nostra, Boko Haram, combien d’autres, portent l’étiquette commode de terrorisme islamique. Sans doute. Mais faut-il oublier qu’Al Quaeda est l’invention des services américains contre l’Union soviétique en Afghanistan, comme Zbignew Brezinski l’a reconnu, le qualifiant même de side effect marginal par rapport à ce but de guerre éminent ; l’épuisement de l’Union soviétique ! Mais faut-il oublier que les vocations de terroriste islamique naissent d’abord chez des jeunes déracinés, sortis de leur communauté d’appartenance, hybrides monstrueux de la génération Internet et du désir mimétique, qui revêtent ici du manteau vert de l’islam comme là-bas du racisme obsessionnel le besoin criminel de reconnaissance à tout prix et la haine du réel ?
La Russie peut redevenir une menace, son écrasante supériorité militaire sur une Europe désarmée lui donne aisément ce rôle. Mais enfin, qui n’a en mémoire la déclaration du Président Poutine, invité au Conseil européen de 2007, et disant son souhait de voir tout Russe aussi Européen que lui en ce jour ! Le conformisme de diplomates français aux ordres de l’étranger les conduit à déplorer les volte-face de Vladimir Poutine ; que ne déplorent-ils les provocations américaines qui mettent en danger l’Europe ? Comment peuvent-ils ignorer les reniements successifs de la parole donnée par le Président Bush à Gorbatchev au moment de la dissolution pacifique de l’Union soviétique, garantissant le maintien autour de la Russie d’une « buffer zone », cette zone tampon préservée de toute ingérence américaine ou occidentale, et d’abord à travers l’assurance que jamais l’OTAN ne chercherait à s’étendre aux anciens pays membres de l’Union soviétique ? Comment peuvent-ils oublier que l’installation de missiles balistiques à moyenne et courte portée en Europe de l’Ouest, et même, dans les Etats baltes, d’abord expose ces pays à une première frappe en cas de conflit, trahit les engagements pris à de multiples reprises dans les années 1990, et surtout, en accélérant le processus de décision et de frappe, rend la situation plus dangereuse qu’au moment où, seuls, des missiles de longue portée portaient l’arme nucléaire américaine et russe ? Comment enfin ignorent-ils l’histoire, cette histoire si bien rappelée par le Président Valéry Giscard d’Estaing dans une longue interview à la BBC, en mai dernier, cette histoire qui fait de Kiev le berceau des « Rus » et de la première Russie, cette histoire qui a pris la Crimée à l’Empire ottoman pour le rattacher à la Russie, puis, dans un découpage régional interne à l’URSS, l’a liée à l’Ukraine sans que jamais aucun lien national ou historique ait fait de la Crimée autre chose qu’une terre russe, par surcroît orthodoxe ? Mépriser le referendum par lequel les habitants de la Crimée ont massivement demandé leur rattachement à la Russie, est chose courante pour des bureaucrates européens qui affichent leur mépris du suffrage populaire, par exemple quand il s’agit de la Constitution européenne ; il est plus étonnant qu’il les réunisse aux donneurs de leçons démocratiques venus d’outre-Atlantique !
L’immigration de peuplement, ce que certains redoutent sous le nom de « grand remplacement », n’est pas une menace au sens où le stratège la désigne ; car il n’est rien que nous ne puissions gérer, si nous en avons seulement la volonté et, aussi, la liberté. Le crime organisé a trouvé dans le trafic des êtres humains, facilité par les naïfs mondialistes et autres immigrationnistes, sa première source de revenus, qui remplace la drogue et autres trafics. Le pillage des systèmes sociaux européens fait les affaires de mafias qui rackettent les familles demeurées au pays, vivant des virements envoyés d’Europe. Le problème de l’immigration est le problème des Français – et de ce qu’ils méritent. Le jour où les Français seront libres de décider qui en est et qui n’en est pas, qui a accès aux prestations d’une solidarité qui se dit encore nationale, et d’exercer pleinement la préférence nationale qui est l’autre nom de la citoyenneté ; le jour où sera mis fin au détournement de solidarité opéré au nom du regroupement familial ; le jour où les forces chargées de défendre l’identité de la France et l’intégrité de la république considéreront ceux qui organisent, trafiquent et rançonnent les migrants comme des criminels et détruiront leurs bases, leurs moyens d’action, et leurs réseaux de financement en conséquence, le problème se ramènera à celui d’individus fuyant des pays en guerre, des pays trop pauvres pour assurer leur subsistance ; et il redeviendra celui du partage choisi, débattu et géré par les Français, et eux seuls, entre l’accueil qui intègre, et l’invasion qui détruit.
« SI les Français étaient libres » ; voilà bien de quoi il s’agit ! Qu’il est loin, ce temps ou Boutros Boutros Ghali disait ; « le Français est la langue des non-alignés ! » Si la question stratégique est bien celle de l’identité et de la souveraineté, les évènements récents disent tout. La France devait construire des Mistral pour la Russie, les Etats-Unis ont appelé chaque jour l’ambassade de France à Washington pour lui interdire la livraison, et la France n’a pas honoré sa promesse. BNP Paribas a réalisé des opérations légales pour une entreprise française ou européenne, mais frappées par un embargo américain. Parce que BNP Paribas utilisait le dollar, la banque française a dû payer 9 milliards de pénalités aux Etats-Unis. Total, la Société générale et quelques autres sont des sociétés au premier rang mondial, elles doivent accepter dans leurs murs la présence permanente d’un agent américain chargé de les aligner sur l’intérêt national américain – au nom de la conformité juridique de leurs opérations. Le Commissaire européen Michel Barnier avait courageusement tenté de durcir la réglementation bancaire pour prévenir la survenue d’un second 2007. Les émissaires américains ont vidé de leur sens les directives proposées, et obtenu de leur pantin luxembourgeois que le Commissaire à la régulation soit – sans rire – un ancien banquier de HSBC, chargé de détruire toute réglementation européenne qui limiterait l’appétit américain et la capacité de fraude des établissements américains en Europe. Les Etats-Unis, par le biais de leur ambassade et des multiples associations et organisations qu’elle finance, comme ce Young leaders massivement infiltré dans le gouvernement actuel, animent les agitateurs de banlieue et s’emploient efficacement à diaboliser toute force nationale ; la destruction de la nation France est à l’agenda. L’Etat de droit est aisément mobilisé à cet effet, comme moyen d’en finir avec l’Etat et la Nation, par le droit et le contrat. Et l’agenda est suivi : les menaces pénales contre les dirigeants d’Alstom ont obtenu la reddition du nucléaire français à General Electric, au prix de quelques trahisons avérées de l’indépendance nationale qui vaudront examen ultérieur. Quant aux programmes militaires de l’OTAN, ils saturent utilement les capacités de maints industriels de l’armement, et en finissent avec l’autonomie opérationnelle de la France. Et l’Europe doit appliquer des sanctions contre la Russie pendant que Bell Helicopter construit une usine géante en Oural…
Faut-il poursuivre ? Un jour peut-être, c’est la Chine qui resserrera la main froide de ses intérêts sur la France. Aujourd’hui, la puissance qui réduit en tout la liberté de la France, lui dicte sa loi et ses intérêts, c’est les Etats-Unis. La puissance qui promeut la dissolution individualiste et sans frontiériste, libre échangiste et fédéraliste, est américaine. La puissance qui érige un Mur au cœur de l’Europe, qui coupe l’Eurasie en deux, qui s’emploie à susciter et faire monter la menace russe, qui provoque en prépositionnant des missiles balistiques, des chars et des troupes en Europe de l’Est, est américaine. La puissance qui a surendetté les Etats européens et menace de ramener à l’âge de l’esclavage les peuples européens, comme elle le fait de la Grèce, est américaine. De sorte qu’il n’y a pas de doute ; l’ennemi principal est américain.
Face à une entreprise de colonisation des esprits, des mœurs, des lois et des systèmes, la résistance est à l’ordre du jour. Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé, c’est la tâche de la génération qui vient de le détruire. Libérer la France, libérer l’Europe, c’est d’abord aujourd’hui mettre fin à la domination américaine, morale, économique, politique. C’est désigner sans faiblir les collaborateurs qui suivent l’agenda de la colonisation américaine de la France et offrent sa terre et ses hommes à Monsanto, à Goldman Sachs ou à General Electric. C’est en finir avec la domination du dollar, celle de mots comme « gouvernance, conformité, diversité » qui occupent nos têtes et formatent nos débats. La perte de notre liberté nous condamne. Elle nous conduit à une crise financière et bancaire sans équivalent. Elle prépare des foyers de guerre aux confins de l’Europe. Elle ôte toute idée de défense à ceux qu’elle anesthésie – recette connue : « du pain et des jeux ! » Et elle dirige l’Europe vers la porte de sortie de l’histoire, pour devenir une colonie assistée, exploitée, dépendante. Est-ce le destin que l’Union réserve à la France, est-ce le destin que la France accepte de l’étranger, la grande France qu’appelle encore tout ce qui dans le monde sait dire « non », se tenir debout, et refuser l’alignement ?