La politique en Europe ressemble de plus en plus au football. L’Euro 2016 se joue d’abord, pour les casseurs, à coups de pieds et de poings dans les tribunes et dans les rues. Drôle de sport! Il en va de même en politique. Les populistes sont aussi montés à l’assaut de l’Union européenne, à coup de mensonges grossiers, de slogans rassis voire raciaux, d’arguments nauséabonds. Partout sur le continent, extrémistes, nationalistes et mouvements anti-élites trouvent dans la construction européenne une cible facile qui résume à elle seule leur colère envers leurs dirigeants. Ici aussi les casseurs d’idées ont la vedette.
Le Royaume-Uni, exemplaire démocratie parlementaire vient d’en être à son tour la victime. Les extrémistes ont tellement enflammé la campagne en vue du référendum qu’un malade mental s’est cru obligé de passer à l’acte. Une jeune députée en est morte. Depuis cinq siècles, l’Europe est au coeur du monde des découvertes, des inventions, des arts et des idées. Cinq siècles à courir l’aventure, découvrir, rayonner et conduire la pensée. Assurément les mutations si rapides du monde font craindre aux Européens le déclassement et le déclin. Celui-ci n’est pourtant pas certain. Les 28 affichent le premier PIB de la planète, représentent la première puissance commerciale, afficheront presque le même taux de croissance que les Américains en 2016 et offrent à nos concitoyens la meilleure qualité de vie, de soins et de protections.
Mais, pour conserver cette suprématie, la complexité des interdépendances, la modification des rapports de force, les technologies galopantes, poussent en fait nos dirigeants, quelles que soient leurs options politiques, à mettre en oeuvre des politiques quasi-identiques de rigueur nouvelle, d’efforts imprévus ou tout simplement de sérieux économique et budgétaire. La réaction populiste s’en nourrit, avec une violence inédite depuis 70 ans. Elle est verbale, outrancière et malsaine. Elle gagne les esprits et devient physique, par accident ou dérive.
Avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle ne devienne plus maitrisable, il est temps de se reprendre. Et de démontrer que les casseurs, même s’ils ne s’attachent qu’à détruire les idées, ne feront pas la loi. C’est le temps des bâtisseurs qui doit désormais revenir. Plutôt que de commenter les difficultés de l’Europe, qui sont en réalité celles de toutes les démocraties, les dirigeants européens doivent construire, proposer, prendre l’initiative de rallumer le moteur européen, qui a calé de leur indifférence. Tout est prêt pour cela et l’on connait les priorités qui peuvent trouver des solutions par une meilleure coopération entre Européens. Elles concernent bien sûr l’économie mais aussi la sécurité. On attend.
* Jean-Dominique Giuliani est Président de la Fondation Robert Schuman.