Nicolas Grimaldi, Grasset, 2015, pp 132 à 134.
« Ainsi y a-t-il, suggéré par le travail des artisans, un mode de raisonnement pragmatique. Il consiste à ne s’assigner pour fin que ce dont on peut réunir les moyens. Une telle logique conçoit donc le possible comme un réaménagement du réel. Comme c’est d’après leurs causes qu’elle en envisage les effets, c’est d’après le réel qu’elle détermine le possible. Ainsi font tous les réformateurs. Propre aux utopistes et aux idéologues, un autre mode de raisonnement consiste au contraire à s’assigner une fin et à en déduire, comme autant de conditions subsidiaires, l’ensemble des moyens indispensables à sa réalisation. A l’inverse de la méthode pragmatique qui fait du réel la mesure du possible, ce mode prophétique de raisonnement consiste à faire du possible la règle ou la détermination du réel. Il assujettit de la sorte toute réalité à ce qu’en exige une idée. Au lieu que le réel soit une condition du possible, voici qu’il en devenu un obstacle. Le possible ne peut alors s’accomplir qu’n dynamitant le réel, en le faisant exploser, en l’éliminant, en l’anéantissant. Ainsi font tous les révolutionnaires. A chaque fois, les gravats du réel sont les vestiges du possible.