Archives pour la catégorie Lettre ACTUEL

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ACTUEL 74 – Empires vs Etats-Nations

Ainsi les électeurs américains ont-ils choisi de confier toutes les clefs du pouvoir non pas à un chef d’Etat tel qu’on le conçoit dans la plupart des Etats-Nations mais à un personnage qui se prend et ressemble à une sorte d’« imperator ». Dans la qualification de « République impériale » dont on pouvait affubler leur pays, ils ont fait pencher la balance et sorti les Etats-Unis de leur dualité en se rangeant sans ambiguïté du côté impérial ; certes, un empire aussi maritime que continental, aussi disparate sur le plan ethnique qu’idéologique, mais un empire financier, technologique, militaire sans rival sérieux. Ce faisant et sans probablement en avoir conscience, ils ont accéléré la redistribution des cartes mondiales : là où, jusqu’à présent, l’Amérique était alliée des Etats-Nations et rivale des Empires, elle risque d’inverser les rôles en devenant partenaire des deux grands Empires et rivale des Etats-Nations concentrés pour l’essentiel en Europe. En effet, dans la lutte séculaire entre Empires et Etats-Nations, la conception du pouvoir et la vision de l’Amérique de Donald Trump le conduiront sans doute à se comporter au moins comme un monarque parmi ses collègues autocrates Poutine et Xi dans le marigot que fréquentent ces grands sauriens. Le nombre et le poids des Etats-Nations mus plus par « le droit » que par « l’intérêt » vont se réduire fortement car Trump va faire des émules et encourager les apprentis dictateurs et populistes du monde entier. L’Europe, déjà malade d’une anémie démocratique, risque de se trouver bien seule pour préserver la survie de l’Etat-Nation.

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ACTUEL 73 – Le niveau zéro de la stratégie

Nous nous accordons à dire que les temps actuels sont troublés et difficiles ; le présent est « compliqué » selon le mot à la mode et l’avenir, loin d’être radieux, paraît bien incertain. Une fois cette banalité affichée, nous n’avons guère avancé pour alimenter le débat et tenter de sortir du brouillard. Lorsque tout est confus, comme c’est le cas, il faut sérier les questions et hiérarchiser les problèmes. Pour ce faire, deux instruments sont indispensables : une horloge et une boussole. Il faut en effet et avant tout nous situer dans l’espace et dans le temps. La première confusion, celle des temps, largement alimentée par le poids et l’instantanéité de l’information, nous oblige en quelque sorte à faire un arrêt sur image et à nous intéresser à ce que j’appellerai un présent exhaustif. La deuxième confusion qui concerne l’espace, c’est-à-dire le terrain d’action, provoquée, elle, par le rétrécissement de la planète et l’émiettement des territoires, rend inutilisables nos cartes d’état-major et affole nos boussoles. Pour une raison qui paraît évidente : comment déterminer où se situent nos objectifs – quelle peut être notre vision – si nous ne connaissons pas précisément le « cadre espace-temps » dans lequel nous nous trouvons ? Pour être encore plus clair : comment savoir où aller si nous ignorons où nous sommes ?

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ACTUEL 72 – La défense de l’Europe

Le thème de la « défense de l’Europe » est rebattu dans de nombreux livres et articles surtout depuis deux ans que la guerre en Ukraine fait peser sur notre continent une menace lourde, globale, inquiétante. La sorte de folie qui s’est emparée de la Russie nous donne la preuve que, non seulement la guerre est inscrite dans le destin de l’humanité mais que, à ce moment de notre histoire, bien des Etats et non des moindres se sont désinhibés et affranchis des codes auxquels ils avaient consenti, de plus ou moins bon gré, dans l’ordre du droit international : l’intangibilité des frontières, la souveraineté territoriale, le bon voisinage, le droit de libre circulation sont ouvertement contestés et bafoués en de multiples endroits. C’est un contexte résolument nouveau pour une Europe d’abord coupée en deux et prise dans l’étau de la guerre froide sous la férule américaine puis, depuis trente ans, réunifiée géographiquement mais toujours morcelée politiquement, en proie aux effets aussi bien heureux que maléfiques de la mondialisation. Lire la suite

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ACTUEL 71 – Les déboires africains de la France

Après son éviction de la République centrafricaine, puis du Mali et du Burkina Faso, la France a dû retirer ses forces et fermer son ambassade au Niger. Dans cette Afrique sahélienne, anciennement soudanaise, qui constituait une partie essentielle de l’AOF d’antan, fleuron colonial s’il en fût, dépendant de Paris pour sa monnaie, sa langue, ses élites, son modèle politique et sa sécurité, le revers français est considérable et, probablement, durable. Dans trop de domaines et, particulièrement, la lutte contre le séparatisme et le djihadisme, la France a manqué à la fois de clairvoyance et de savoir-faire. Si la lucidité a effectivement fait défaut aux dirigeants politiques depuis François Mitterrand, les militaires français se sont trompés de mission, d’époque et de continent. On ne peut séparer les fautes des uns des erreurs des autres, le tout débouchant sur un fiasco déplorable. Le but n’est pas ici de revisiter tous les aléas de la politique africaine de la France depuis les indépendances, mais bien d’analyser comment d’une politique de coopération militaire axée sur la formation et l’assistance aux armées africaines, on s’est résolu à intervenir directement par la force armée pour défendre nos intérêts supposés et maintenir au pouvoir nos obligés.

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ACTUEL 70 – La dissuasion nucléaire en question ?

Si l’on considère l’activité guerrière de la plupart des puissances « dotées », c’est-à-dire détentrices, légitimes ou non, d’armes nucléaires, on pourrait en conclure que la dissuasion nucléaire est désormais datée, qu’elle a fait son temps et qu’elle doit aujourd’hui céder devant la pression, voire la submersion, qu’exercent soit des armements novateurs soit des modes d’action alternatifs.

Soyons lucides et objectifs : oui, la dissuasion a probablement fonctionné entre les deux super-grands durant la guerre restée par conséquent « froide » ; et sans doute aussi dans leurs camps respectifs comme dans leur environnement géopolitique où le seuil des conflits est le plus souvent demeuré infra-guerrier ; non, la dissuasion sous sa forme initiale n’empêche plus les conflits d’entrer dans une phase guerrière ouverte, qu’il s’agisse ou non de puissances dotées. D’une certaine façon, le monde a assimilé et digéré la dissuasion nucléaire et pratique depuis au moins deux décennies des modes de contournement qui pourraient se révéler désastreux. Est-ce à dire qu’une fois de plus dans l’histoire moderne la dissuasion a fait son temps et se trouve dépassée par l’innovation stratégique ?

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ACTUEL 69 – La Guerre et le Territoire

La trêve est finie… Trente ans de non-guerre après trente ans de guerre froide, cette double période d’exception sera citée dans les livres d’histoire comme une époque bénie et…anormale. Malgré des gesticulations géopolitiques, propres aux commentaires des experts, malgré des soubresauts régionaux dus la plupart du temps à des bévues stratégiques, le temps de nos générations a été calme. Le métier de soldat y était une sinécure au point que certains s’étaient déguisés en soldats de la paix, voire en humanitaires, et que leurs chefs en avaient désappris les règles élémentaires de leur office.

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ACTUEL 68 – De la guerre globale

A mesure que passe le temps de la guerre en Ukraine, nos regards restent obnubilés par les vicissitudes du champ de bataille dont, au premier rang, l’intensité des opérations militaires. Emportés par la pression médiatique, nous sommes focalisés sur les trois dimensions les plus apparentes de cette guerre, celle du front tout d’abord où se joue le sort des armes, celle ensuite des relations de Kiev avec ses alliés et leurs fournitures d’armes, celle enfin du Kremlin avec ses secrets, ses rodomontades et ses supposées fragilités. Pourtant, après dix-huit mois de combats âpres et coûteux, la situation opérationnelle demeure très incertaine et, malgré de nombreuses contre-attaques de part et d’autre, on ne perçoit pas encore de signes manifestes de ce qui pourrait la débloquer : soit que les Russes consolident voire accroissent leurs acquis au nord en direction de Koupiansk, soit que les Ukrainiens parviennent à opérer une brèche dans le dispositif défensif adverse au sud pour se lancer dans la reconquête des territoires occupés.

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ACTUEL 67 – Chine, une course au sommet problématique

Avec la Chine, il arrive souvent qu’on marche à contresens ; son image est souvent trompeuse, soit qu’elle apparaisse masquée, soit qu’on en altère la vision. Alors qu’il y a à peine vingt ans la fulgurante ascension chinoise était regardée avec condescendance sinon avec indifférence, tant paraissaient infranchissables les obstacles de tous ordres qui s’opposeraient à elle tôt ou tard et plutôt tôt que tard, aujourd’hui la puissance de la Chine est jugée aussi hyperbolique qu’infatigable tant par les médias que par les experts. On a eu grand tort au début des années 2000 – et les Chinois au premier rang – de ne pas mesurer la portée mondiale de l’exceptionnelle émergence de ce pays colossal ; on se trompe sans doute en 2023, sinon sur les ambitions du moins sur les perspectives à moyen et long terme que l’empire du Milieu peut raisonnablement envisager tant pour son emprise mondiale que pour son développement futur.

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ACTUEL 66 – Le destin de l’Europe

Le thème du « déclin de l’Occident » est récurrent depuis un siècle ; je l’ai évoqué à de nombreuses reprises dans ces chroniques pour tenter de démontrer son inadéquation au monde réel tel qu’on peut l’interpréter de nos jours. La parenthèse supposée de quatre siècles de domination occidentale, selon l’affirmation du singapourien Mahbubani, se réduit-elle à une réalité historique fondée sur la seule maîtrise scientifique, n’est-elle que la traduction d’un conflit de civilisations exprimé sous la forme virulente d’un rejet anti-occidental et d’un sursaut d’orgueil, ou procède-t-elle enfin de fondements plus anciens, plus profonds, plus radicaux ? En apparence, l’argument avancé est moins idéologique ou politique que comptable : l’Occident tout-puissant serait désormais minoritaire et voué à un rôle second ! Les origines, les fondements et l’histoire de la civilisation européenne m’incitent à contester cette vision à mon avis superficielle du monde.

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ACTUEL 65 – Oncle XI et Docteur XI Jinping

La Chine bouge. Certes, ce n’est pas le grand soir espéré par certains et dont la probabilité serait faible à terme visible, le traumatisme de Tian’anmen étant encore dans toutes les mémoires. Mais quelques milliers de protestataires dans une vingtaine de villes phares du pays ont eu raison du dogme de l’infaillibilité xi-jin-pingienne, avatar récurrent et éculé de la sagesse impériale. Le scénario du repli dogmatique chinois est parfaitement relaté par Alain Frachon dans sa chronique publiée par le Monde du 8 décembre. On peut en extraire trois observations : la première colle à l’actualité et s’intéresse à la façon dont la Chine a géré l’épidémie de Covid 19 depuis trois ans ; la deuxième est relative au conflit de priorité politique chinoise, entre l’idéologie et l’économie ; la troisième est plus générale et concerne le débat démocratie versus dictature pour déterminer lequel de ces régimes politiques est le plus efficace.

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