Cet article est publié dans le cadre d’un échange exclusif entre le Quotidien du Peuple et la Société de Stratégie.
Il y a quelques jours, le président Obama a accordé une interview au New York Times, et lorsque la question de l’Irak a été abordée, il a utilisé ce prétexte pour qualifier la Chine de « profiteuse » et prétendu que, depuis 30 ans, elle se comporte ainsi. C’est sans doute la première fois que le président américain déclare sans ambages que la Chine est une « profiteuse » dans le domaine des affaires internationales.
Barack Obama a donc affirmé que la Chine se comporte en « profiteuse » depuis 30 ans, et cette idée de la Chine est représentative de l’opinion publique occidentale. Cette théorie non seulement est éloignée de la vérité, mais en plus elle est partiale et injuste.
Quand on regarde en arrière la Chine et le monde au cours des 30 dernières années, ce n’est pas d’un pays « profiteur » dont on devrait parler, mais bien plutôt d’un pays qui «saisit les opportunités stratégiques ». Depuis quelques jours est diffusée en Chine une série télévisée à succès intitulée « Deng Xiaoping à un tournant historique », qui évoque la période charnière que connut le pays entre 1976 et 1984. C’est lors de ce processus que, sous l’impulsion de Deng Xiaoping, commença une nouvelle ère, qui fit passer la Chine d’une époque de « guerre et révolution » à une ère de « paix et développement », lors de laquelle le pays fut lancé sur la voie rapide de la réforme et de l’ouverture, définissant une voie de développement à caractéristiques chinoises. C’est le propre choix stratégique de la Chine, qui a été caractérisé par des efforts laborieux, mais qui a également obtenu des réalisations remarquables. Ce n’est pas le résultat d’un comportement de « profiteur ».
Car non seulement la Chine a saisi des occasions stratégiques, mais elle aussi apporté de grandes contributions au monde, en particulier en lui permettant d’attraper le « train express » du développement de la Chine. Premièrement, la Chine n’a pas connu de désordres majeurs, et ce pays d’1,3 milliard d’habitants a su assurer stabilité et développement, donnant le « la » tant au niveau régional que mondial ; deuxièmement, l’économie chinoise a été une locomotive pour celle de nombreux pays, et elle est devenu un important moteur de l’économie mondiale ; troisièmement, la Chine n’a jamais préconisé le renversement du système international existant, pas plus qu’elle n’a semé de troubles autour d’elle. En revanche, elle s’est faite le défenseur d’une réforme progressive de l’ordre international existant ; quatrièmement, la Chine propose de plus en plus de produits publics internationaux. Ceux qui pensent que la Chine profite des avantages pratiques de l’ordre mondial existant tout en refusant d’en partager les responsabilités et les coûts, sont de toute évidence injustes.
Dans le monde de l’après-guerre froide, le rôle des États-Unis, avec leur superpuissance, n’a pas manqué de susciter des controverses en ce qui concerne la formulation de règles internationales pour faire face à des conflits régionaux et leur rôle dans les affaires internationales ; ils n’ont certes pas été inutiles, mais leur politique et leur stratégie étrangères ont souvent semé le chaos, et la Chine, dans ce contexte, parfois non seulement n’en a pas été une « profiteuse », mais en est même devenue une victime, et elle a parfois aussi apporté son aide pour nettoyer le désordre causé par les Etats-Unis. D’un côté, les États-Unis crient haut et fort les vertus du libre-échange et profitent des avantages que la Chine leur procure en achetant de grandes quantités d’obligations du Trésor américain, et d’un autre côté ils se plaignent de l’excédent commercial de la Chine et du taux de change du yuan et dressent des obstacles face aux investissements chinois chez eux. D’une part les États-Unis appellent à une coopération internationale contre le terrorisme, et d’autre part ils appliquent avec force un double critère sur ce point lorsqu’il s’agit de la Chine. Quand les États-Unis ont lancé des guerres en Irak et en Afghanistan, la Chine a montré son désaccord. Ces deux guerres ont suscité des désordres dans les pays en question, et créé plus de problèmes qu’elles n’en ont résolu ; quant aux investissements de la Chine dans ces deux pays, ils ont dû faire face à des risques considérables, mais ils ont tout de même contribué à la stabilisation de ces deux nations, et cela a également été bénéfique pour les relations sino-américaines. Si l’on pousse jusqu’en Asie du Sud-est, la Chine a encouragé l’amitié de bon voisinage et une zone de libre-échange, apporté son aide pour résoudre les conflits frontaliers entre la Thaïlande et le Cambodge, etc., et cela bien avant les États-Unis. Ce sont bien eux qui, en s’engageant dans un « rééquilibrage », un « retour », ont plutôt eu l’air de « profiteurs », renversant les rôles et soulevant des questions qui n’avaient pas lieu d’être, semant la zizanie en mer de Chine méridionale, ce qui a eu un impact sur la coopération et l’intégration régionales.
Au cours des 30 dernières années, les relations de la Chine avec le monde, y compris celles avec les États-Unis, ont pour l’essentiel été mutuellement bénéfiques, et les relations de coopération gagnant-gagnant ; il n’est donc pas exagéré de dire qu’il n’y a aucun problème de « profiteur ». Le développement de la Chine est inséparable de celui du monde, il est favorable à l’intérêt du monde lui-même. La Chine est profondément engagée dans le monde, mais elle a aussi un impact profond sur lui. Quand Barack Obama dit que la Chine est une « profiteuse », ce que l’on perçoit derrière, c’est bien l’arrogance des Etats-Unis, une sorte de supériorité spéciale de « l’exceptionnalisme américain ». Il y a quelque temps, Barack Obama a déclaré que la Russie ne fait rien de bien ; c’est aussi une forme d’arrogance. Les États-Unis devraient plutôt apprendre petit à petit à respecter et à s’adapter à l’évolution de la Chine.
(Source : le Quotidien du Peuple – 13/08/2014)
* L’auteur est expert en questions internationales.