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ACTUEL 65 – Oncle XI et Docteur XI Jinping

La Chine bouge. Certes, ce n’est pas le grand soir espéré par certains et dont la probabilité serait faible à terme visible, le traumatisme de Tian’anmen étant encore dans toutes les mémoires. Mais quelques milliers de protestataires dans une vingtaine de villes phares du pays ont eu raison du dogme de l’infaillibilité xi-jin-pingienne, avatar récurrent et éculé de la sagesse impériale. Le scénario du repli dogmatique chinois est parfaitement relaté par Alain Frachon dans sa chronique publiée par le Monde du 8 décembre. On peut en extraire trois observations : la première colle à l’actualité et s’intéresse à la façon dont la Chine a géré l’épidémie de Covid 19 depuis trois ans ; la deuxième est relative au conflit de priorité politique chinoise, entre l’idéologie et l’économie ; la troisième est plus générale et concerne le débat démocratie versus dictature pour déterminer lequel de ces régimes politiques est le plus efficace.

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SINOCLE 2022 – Le dragon, roi de la tactique

Chaque culture a son bestiaire managérial. Héritiers de Machiavel et de La Fontaine, en politique comme dans le business, nous tenons le renard et le lion pour des figures tutélaires. Les Chinois ont le dragon et le loup.

Le dragon parce qu’il est l’animal qui traverse tous les mondes et s’adapte à tous les milieux avec son corps qui tient du serpent, du poisson, de la licorne, de l’aigle et du cerf. Animal multiple et transgenre dont la puissance est aussi impressionnante que la plasticité. Le loup parce qu’il a un flair hors-norme, n’a peur de rien, est fulgurant quand il attaque, chasse en meute et reste loyal jusqu’à la mort au chef de la bande. Animal indomptable et dévoué à ses frères, aussi endurant qu’implacable. Dragon et loup sont les deux animaux totems des entrepreneurs chinois, ceux qui inspirent leurs tactiques pour mieux diriger dans l’incertitude comme le raconte brillamment Sandrine Zerbib, la femme qui a fait réussir Adidas en Chine, autrice avec Aldo Spaanjaars de Dragon Tactics.

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ACTUEL 64 – La guerre de l’Amérique

Tel qu’il évoluait vers le chaos, le monde des années 2020 était devenu intenable. Insupportable en tout cas pour les Etats-Unis qui, après la parenthèse lamentable de la présidence Trump, voyaient leur rôle, leur influence, pour tout dire leur puissance, contestés et mis à mal par un nombre croissant de pays. Depuis 2001 et sa brutale réaction au Moyen-Orient après le 11 Septembre, l’Amérique se trouvait obligée de reculer sur tous les fronts jusqu’à son éviction catastrophique de Kaboul en août 2021. On pourrait faire le décompte, zone par zone, des déboires américains ; ils sont innombrables et il y faudrait plusieurs pages. Retenons simplement que leur accumulation, partant leur aggravation, finissait par poser un problème existentiel aux Américains. Tout le monde sait, même si l’on n’en mesure pas toujours l’incidence, à quel point les Etats-Unis sont divisés et…désunis ; les tensions et les oppositions internes paraissent irréductibles et elles s’intensifient du regard hostile qu’une partie du monde porte sur le pays. L’Amérique a été tant aimée, tant jalousée et tant désirée par tant de monde pendant plus de cinquante ans que la voir critiquée et vilipendée par ses anciens laudateurs est une blessure qui amplifie les dissensions internes et qui exacerbe les radicalités des yankees. C’est pourquoi l’Amérique ne peut plus perdre son temps, son argent et ses hommes à tenter de colmater les brèches ou à éteindre les braises que plusieurs de ses concurrents s’efforcent d’attiser ; la dispersion des efforts et l’accumulation des insuccès finiraient, d’une part, par venir à bout de cette considérable puissance, d’autre part, de mettre à mal cette immense fierté qui fonde toujours la « nation » américaine.

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ACTUEL 63 – La guerre « hors la guerre »

En quelques mois, depuis fin février, il semblerait, non pas qu’on ait seulement effacé un siècle de conflictualité pour en revenir aux guerres immobiles, dévastatrices et interminables des tranchées de 1915, mais qu’on soit projeté plus de cinq siècles en arrière, à la fin du moyen-âge, aux cruautés des guerres de religion mêlées aux hécatombes des épidémies de peste ; aux temps antérieurs au « jus ad bellum » et au « jus in bello », ceux de la guerre « sauvage » des milices (à l’exemple du groupe Wagner), que les codes et tournois de chevalerie n’avaient fait qu’estomper et seulement pour quelques-uns : le chevalier Bayard, brave et sans reproche, fut tué « par derrière » d’un coup d’arquebuse, arme pourtant condamnée par la Papauté. Cette juridisation de la guerre en même temps que sa militarisation ne l’ont guère adoucie mais lui ont donné un cadre qui, depuis la Confession d’Augsbourg, les Traités de Westphalie et les écrits de Hugo Grotius, n’a cessé de se renforcer et d’inciter les nations à limiter les exactions de leurs soldats.

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