Notre génération est en train de perdre le pari qu’Albert Camus avait proposé à la sienne : empêcher que le monde se défasse… Nous avons collectivement vécu ces trente dernières années comme Les Somnambules que décrit Christopher Clark en amont de la Grande Guerre : avec désinvolture et irresponsabilité. Autant il paraît vain de s’acharner à réécrire l’histoire, voire à la manipuler, autant il n’est pas inutile d’insister sur ce qui, politiquement et stratégiquement, peut déclencher la bascule du désordre, puis du chaos, enfin du déclin. Il s’agit pour l’essentiel de l’interférence croissante et, à notre époque, décisive, qui se crée entre les mouvements du monde – les influences externes – et la cohésion des sociétés – la stabilité interne. Ces deux paramètres, que différencie le niveau de mobilité, demeurent compatibles et mutuellement positifs tant que la porosité des sociétés parvient à filtrer et contenir les mouvements du monde. En général, il est fructueux que les fluctuations du monde influent sur le cours des sociétés, mais seulement dans les limites que les équilibres internes de celles-ci peuvent supporter, d’où vient leur tentation du protectionnisme. Lorsque les sociétés sont immobiles, conservatrices ou convaincues d’avoir trouvé leur modèle de référence, elles résistent plutôt bien dans les premiers temps aux bourrasques venues du large, parce qu’elles donnent l’apparence de la solidité. Mais si elles ne parviennent pas à échafauder des parades ou à atténuer leurs vulnérabilités, elles finissent par s’épuiser et par succomber aux assauts du vent. C’est ainsi que disparurent des civilisations endogènes et des empires disparates. C’est ainsi que la diversité offensive du monde ronge l’uniformité des nations, inlassablement, comme la force de l’océan érode les falaises côtières. C’est ainsi que, secoué par les déséquilibres, le monde se défait autant par la dispersion de la communauté des nations que par l’éclatement intime des sociétés démocratiques rongées par leurs propres divisions.
ACTUEL 50 – Avis de tempête planétaire
L’été 2018 va rester dans les annales et pas seulement pour des raisons caniculaires. Annoncée depuis plusieurs mois, la tempête s’est levée en plusieurs points du globe et les prévisions météorologiques la concernant sont plutôt inquiétantes. Le vent souffle de plusieurs endroits à la fois, mais le vent d’Amérique est aujourd’hui le plus violent et on n’en attendait pas moins de la plus grande puissance du monde. Nous étions avertis, le Président Trump l’avait martelé à longueur de discours électoraux : l’ordre mondial tel qu’il le percevait ne convenait plus à l’Amérique qu’il représentait. Et étant en capacité sinon de le détruire du moins d’en modifier les lignes, il appliquait son programme en dénonçant les accords qu’il estimait contraires aux intérêts immédiats des Etats-Unis : Cop21, union transpacifique, ALENA, compromis sur le nucléaire iranien, etc. Ces coups de poignard répétés sur le système du monde tel qu’il a été supporté par les Etats-Unis eux-mêmes depuis 1945 ont effectivement l’effet dévastateur recherché par son protagoniste sur l’ordre mondial.
Les articles « e-agir » de septembre sont en ligne !
Les nouveaux articles de notre rubrique « e-agir » dédiée à l’analyse stratégique sont arrivés ! Voici la liste des nouveautés pour le mois de septembre :
- La grande bascule, par Jean-Dominique Giuliani – Fondation Robert Schuman – juillet 2018
- « Dossier Chine-Afrique », une sélection d’articles sur la Chine
Dans le Dossier Chine-Afrique, vous pourrez découvrir les articles suivants :
- Les relations sino-africaines, un modèle de coopération Sud-Sud, par Bai Yang et Liu Lingling, journalistes au Quotidien du Peuple
- La coopération Chine-Afrique va écrire une nouvelle page d’histoire, par Wang Hongyi, chercheur associé à l’Institut des études d’Asie occidentale et d’Afrique à l’Académie chinoise des sciences sociales
- Coopération sino-africaine : bilan et perspectives, par Yan Yu, journaliste à l’édition outre-mer du Quotidien du Peuple
- Il faut pousser la coopération sino-africaine à un niveau plus élevé, par Zhang Penghui, Zou Song et Ji Peijuan, journalistes au Quotidien du Peuple
- La Chine et l’Afrique construisent ensemble un avenir brillant pour le développement vert, par Bai Yang, journaliste au Quotidien du Peuple
- La communauté de destin entre la Chine et l’Afrique est plus florissante que jamais, par Bian Jianqiang, ambassadeur de Chine en Guinée
- La « construction chinoise » reconnue et appréciée à l’étranger, par Lu Yanan, journaliste au Quotidien du Peuple