La guerre pour la modernité est une guerre féroce. L’Occident qui s’en est longtemps attribué le monopole n’en est plus le seul héros. De nombreuses puissances émergées ou émergentes lui contestent désormais le titre au nom de leur vision singulière. Et la Chine est devenue l’épicentre de la contestation mondiale du monopole occidental de la modernité. Avec une obsédante question : suffit-il qu’une puissance se modernise pour prétendre à la modernité ? Lire la suite
ACTUEL 61 – Tempête dans le Pacifique
A sa manière solitaire, sans référence à ses alliances européennes ou transatlantiques, au nom de ses territoires et des intérêts maritimes qui y sont attachés, et aussi pour faire valoir les capacités de ses arsenaux, la France avait conclu un contrat de vente de sous-marins conventionnels (diesel-électrique) avec l’Australie. Un contrat de long terme et considérable en termes financiers, mais un contrat limité sur le plan technologique et modeste au regard des enjeux stratégiques dans la zone indo-pacifique. Négocié dans les années 2010, alors que le pivot américain vers l’Asie s’amorçait et que la Chine de Xi Jinping réfrénait encore ses proclamations guerrières, il ne pouvait prendre la mesure des mouvements géopolitiques qui concernent aujourd’hui cette partie désormais primordiale du monde, sauf à anticiper sur des évolutions qui eussent été prévisibles à condition toutefois d’entretenir un dialogue avec les principaux acteurs de la zone incriminée, à commencer par les Chinois. Lire la suite
Bloc-notes 7 – juillet-août 2021 – suite et fin
Quel que soit à terme le sort de la pandémie à coronavirus, je ne vais pas continuer éternellement d’accompagner ses péripéties, ses trop-pleins et ses déliés momentanés…On n’en finirait pas de commenter, comme je l’ai entrepris depuis dix-huit mois, les défauts de l’analyse, les erreurs d’appréciation et les imbroglios velléitaires de maîtrise de sa propagation. Si la sentence est assurément péremptoire, il faut aussi reconnaître honnêtement que l’art de gouverner dans le brouillard est difficile. Que nous en ayons encore pour quelques mois si la vaccination fait massivement son office de « grande muraille », complétée faut-il le souhaiter par quelque avancée thérapeutique, ou pour plusieurs années à cause de rebonds provoqués par des variants toujours plus intrusifs, le mal est fait si l’on peut dire. Et c’est pourquoi il faut s’en échapper autant que faire se peut et porter le regard bien au-delà ; et ce, avec l’aide de la « méthode » complexe d’Edgar Morin (qui vient de fêter son centenaire), tous azimuts et dans tous les domaines, sans en exclure aucun tant le monde est sensible à tous les vents d’influence et se rassasie à tous les râteliers, surtout s’ils sont abondés par les technologies x.0.
ACTUEL 60 – L’humiliation de Kaboul
Dès septembre 2001, il y a précisément vingt ans, j’avais publié ACTUEL 8 intitulé la Tragédie de l’Histoire dans lequel j’exprimais mes craintes que le « Nach Kaboul » américain en réaction aux attentats des Twin Towers de New York ne sombre, comme tous les autres slogans simplistes, dans les abysses de l’Histoire. J’avais raison, bien sûr, à moindre risque de me tromper tant les événements, les circonstances, les instigateurs, le théâtre d’opérations et l’environnement géopolitique semblaient se coaguler pour faire précipiter cette expédition vengeresse dans un fiasco retentissant. Avant d’en venir à l’onde de choc que ne manquera pas de provoquer la chute de Kaboul aux mains des talibans, un bref retour sur image n’est pas inutile.
Bloc-notes 6
Journal Avril-mai 2021
La tribune de « Place d’Armes »
Voilà une initiative (malheureuse) d’une poignée de militaires à la retraite conduite par un « quarteron » de généraux en deuxième section qui va faire couler autant d’encre que de salive. D’abord, et c’est l’essentiel, parce qu’ils ont raison sur le fond : la France fout le camp et chaque jour de délitement nous rapproche d’une catastrophe ; annoncée depuis longtemps par nos édiles, à commencer par Gérard Collomb, orfèvre en la matière, en quittant le ministère de l’Intérieur à l’automne 2018. Ensuite, parce qu’en se présentant ès qualités ils mettent l’Etat régalien en porte à faux : laisser imaginer et surtout croire à un climat putschiste dans les Armées relève d’un abus de confiance effectivement condamnable ; personne ne doit jouer avec l’honneur des Armées même et surtout sous prétexte de défendre celui de la nation. A cette aulne, si défendre l’honneur conduit à mépriser l’intelligence, les auteurs et signataires auraient mieux fait de s’abstenir. Enfin, lorsqu’on écrit une adresse au pays ou aux gouvernants, ce qui est manifestement le cas, on s’entoure de précautions lexicales et syntaxiques, on fait en sorte que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » et qu’on parvienne à ne pas prêter à interprétation. Or, le texte est confus ou du moins dans sa formulation prête à confusion : en cas de guerre civile, nos camarades d’active seraient amenés à intervenir ne peut rien signifier d’autre que si, pour maintenir ou rétablir l’ordre républicain, le gouvernement n’a d’autre recours que de faire appel aux forces de troisième catégorie, alors l’armée sera employée dans ce type de mission. Cette hypothèse n’est pas absurde quand on sait à quel point les forces de première et deuxième catégorie (police et gendarmerie) sont à bout de potentiel et ont été ces derniers temps à peine capables de contenir les débordements des émeutiers. Le problème que semblent ignorer ces retraités manifestement peu au fait des réalités militaires contemporaines est que nos Armées dans leur configuration et leur état actuels sont, faute de moyens et d’effectifs, dans l’incapacité de se substituer aux forces de maintien de l’ordre ; sauf à leur venir en appui, ce qui les exclut par définition de l’engagement proprement dit contre la « chienlit » envisagée.