Les apparences obscurcissent la réalité, en Chine plus que partout ailleurs. Ce pays n’est pas par hasard la civilisation du « non-agir » et celle du « masque », qu’il soit sanitaire ou théâtral. Mais, pour une première fois confrontée à un dilemme qu’elle camouflait autrefois sous la fatalité, la Chine se révèle telle que le XXe siècle l’a modelée, faussement révolutionnaire, naturellement cynique et profondément fragile. Le monstre économique qui a surgi du néant en quelques décennies est un cousin éloigné du Loch Ness, prêt à retourner dans les abîmes si la tourmente continue de secouer le monde.
ACTUEL 56 – Crise sanitaire et guerre antivirale
Ainsi la guerre est-elle déclarée à cet insolent coronavirus qui perturbe nos vies, sociales et économiques, et met en cause nos libertés. On permettra donc au « stratégiste », même s’il est marginalisé en l’occurrence, de joindre son analyse aux expertises qui font chorus dans les médias. Sans vouloir en quoi que ce soit polémiquer sur l’emploi d’un vocabulaire guerrier pour tenter de faire prendre conscience aux Français, volontiers désinvoltes, de la gravité de la situation sanitaire, il me semble toutefois que ce choix est inapproprié, non seulement parce qu’il est décalé mais surtout parce qu’il pourrait s’avérer dangereux. La guerre est un « état d’exception » dont nous avons oublié l’extrême gravité et la banaliser ainsi à l’occasion d’une « crise » sanitaire aussi sérieuse soit-elle est un abus de langage que nous devrions éviter. On invoque ad nauseam la célèbre phrase de Camus sur les erreurs de dénomination : « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Certes, mais ne faisons pas pire en risquant de tromper les hommes ! Notre vocabulaire ne manque pourtant pas des richesses sémantiques qui permettraient de signifier les choses et les situations ; et, si nous y réfléchissions sérieusement, nous serions sans peine capables de mieux définir cette crise. Mais l’époque pousse aux exagérations et nous avons tellement tendu la corde que plus rien ne vaut ; il faudrait alors aller aux extrêmes pour sembler dire la réalités des choses.
Sinocle.info – les bonnes pages
1/ Le marteau et l’algorithme
Le narrateur, de retour du Changtang le haut-plateau tibétain qui s’étend du Ladakh à la province du Qinghai, fait une escale à Chengdu, capitale du Sichuan, avant de reprendre l’avion pour Paris. Dernier chapitre de la Panthère des neiges, dernier livre de Sylvain Tesson : « Nous atteignîmes le parc. La fête foraine était réussie. Les haut-parleurs pulsaient, la vapeur des beignets enveloppait les clignotements. Même Pinocchio aurait été dégoûté. Les panneaux n’omettaient pas d’afficher la propagande du Parti. Le peuple chinois avait perdu sur les deux tableaux. Politiquement il subissait la coercition socialiste. Economiquement il tournait dans la lessiveuse capitaliste. Il était le dindon de la farce moderne, marteau et algorithme sur le fanion ». Lire la suite
ACTUEL 55 – La révolte des classes moyennes
J’avais tenté, dans le précédent ACTUEL, de décrypter la déstabilisation en cours de l’ordre international hérité de l’après-guerre mondiale, en y analysant le jeu de puissances plus soucieuses de leurs intérêts impériaux que du sort de la communauté internationale. A la réflexion et à l’observation des divers événements, il apparaît que ce phénomène de désagrégation est aussi bien le reflet des dysfonctionnements internes des sociétés que l’expression de la volonté de puissance de leurs dirigeants. C’est donc à cet exercice que je vais me livrer ici : comment le désordre du monde provient-il au moins en partie du mécontentement des peuples et de ce qu’on appelle la révolte des classes moyennes ? Lire la suite
ACTUEL 54 – La fin des alliances ?
La dissolution annoncée et voulue de l’ordre international mérite qu’on en analyse le cheminement et qu’on en mesure les effets, notamment pour la France. Il semble qu’il y ait là une opportunité historique pour notre pays de renouer avec son destin d’indépendance nationale et d’influence mondiale.