Deux tiers de la population mondiale vivent dans un pays où le taux de fécondité est inférieur à 2,1. L’indice national de fécondité est aujourd’hui en Chine de 1,09, largement en-dessous du seuil de renouvellement qui impose un taux de 2,1 pour maintenir un niveau démographique stable. Il était de 5,7 en 1970 et de 2,8 dix ans plus tard. Aujourd’hui il est donc inférieur de 0,6 à l’indice français de fécondité qui lui-même est à 6 points de moins que les champions mondiaux du titre de la fécondité la plus féconde, soit selon la Banque Mondiale le Niger avec 7,2, talonné par la Somalie, le Mali, le Congo et le Tchad. La Bombe P, p pour population qui, selon le best-seller du biologiste démographe américain Paul Ehrlich, devait être la seule bombe fatale pour l’humanité n’explosera pas.
Avec 700 millions de Chinois en surpoids ou obèses contre 208 millions d’Américains, la bombe O semble désormais bien plus dangereuse que la bombe P. Selon The Lancet notre monde compte déjà un peu plus d’un milliard d’obèses dont 504 millions de femmes et 160 millions d’enfants. L’humanité finira peut-être par s’éteindre avec le dernier couple d’obèses qui ne pourra plus avoir d’enfants.
Les projections démographiques les plus alarmistes estiment probable, si le compteur de la fécondité reste bloqué sur ce rythme régressif, que la population chinoise tourne entre 600 et 700 millions en 2100, soit à peine trois fois la population actuelle du Nigéria. D’ici là la Chine aura donc largement perdu son dividende démographique et tous les effets bénéfiques sociaux et économiques qui en découlaient. Même si les couples sont autorisés depuis 2021 à avoir trois enfants, on croise souvent dans la capitale comme dans les villes provinciales, ainsi que le rapporte Harold Thibault dans Le Monde du 6 décembre, des murs bardés de slogans natalistes du genre « Les frères et sœurs sont le plus beau cadeau que les parents puissent faire à l’enfant ».
Dans So Long, My Son de Wang Xiaoshuai, une responsable du planning familial force sa sœur à avorter, suite à une délation, sans imaginer que l’avortement de l’enfant illicite entraînera la stérilité de la jeune femme, dont le fils restant, comble du malheur, se noiera accidentellement dans le lac près de l’usine du couple d’ouvriers. Nous sommes alors dans la Chine des années 80 en pleine politique de l’enfant unique. Li Haiyan, la sœur zélée et avorteuse du film, aurait aujourd’hui complètement retourné sa veste. Elle aurait certainement dans sa ligne de mire les femmes de plus de 30 ans qui refusent de sacrifier leurs vies à leur progéniture. Et qui accélèrent ainsi le grand dépeuplement national. Là où de nombreux pays européens fantasment sur le grand remplacement, la Chine redoute le grand dépeuplement.
Le planning familial chinois qui a longtemps veillé sur le ventre des femmes pour qu’ils ne portent pas plus d’une seule charge autorisée, veille aujourd’hui sur le ventre des femmes pour qu’ils multiplient le nombre de leurs charges. Le deuxième enfant est devenu légal en 2016 et le troisième est aujourd’hui fortement encouragé, valorisé et subventionné. En fonction du niveau de vie des provinces les subventions pour le petit deuxième peuvent aller de 900 à 2600 euros et de 1700 à 3900 euros pour le grand troisième. Chaque ventre de femme est ainsi plus que jamais une affaire d’Etat. « L’argent est une richesse morte, les enfants sont une richesse vivante », dit le proverbe chinois. Sagesse que les femmes chinoises ne veulent plus entendre ?
(Reproduit avec l’aimable autorisation de Zhao Chenggen)